
13 novembre 2015. Comme tous les soirs, Adèle est assise seule chez elle, inventant les vies qui se déroulent derrière les fenêtres fermées, de l’autre côté de la cour. Quand soudain, en cette nuit de presqu’hiver, elle entend des cris et des sirènes qui montent de la rue, envahissant son salon, cognant contre ses murs. La peur la saisit, elle ne sait plus où elle est, peu à peu elle dérive. Au petit matin apparaît à la télévision l’image de Matteo, un étudiant porté disparu, un visage qu’elle aimait observer dans le bar où elle travaillait. Sans y avoir réfléchi, elle décide de partir à sa recherche, elle devient sa petite amie. Dans le chaos des survivants, Adèle invente une histoire qu’elle enrichira au fil des jours, jouant le personnage qu’on attend d’elle. Les autres la regardent, frappés par son étrangeté, mais ils ne peuvent pas imaginer qu’on veuille usurper la pire des douleurs.
Auteur: Constance Rivière
Edition : Stock
Date de sortie : 21 août 2019
Prix : 17.50 € voir sur Amazon
144 pages
Je remercie les éditions Stock pour l’envoi de ce roman.
Une quête d’identité à l’origine d’une grande imposture…
Mon avis
Dans ce roman, nous suivons Adèle qui erre dans la société sans jamais y trouver son rôle à jouer. C’est en novembre 2015, après s’être isolée pendant des semaines dans son studio, qu’elle va se créer un rôle et se réinventer une identité. Elle va alors se persuader d’abord, puis persuader le monde qu’elle est la petite-amie d’un défunt dans un événement qui chamboule la nation entière. Adèle va ici s’investir seule dans une mission d’aide aux victimes et leur famille. Elle va mener ce rôle qui la fait évoluer.
En effet, trouver son identité, même fausse, va la transformer. Elle se constitue un rôle et se sent utile, forgée d’une énergie nouvelle. Adèle va prendre confiance en elle et totalement se dissocier de son identité véritable.
Ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est que l’auteure réussit haut la main le défi de ne pas rendre ce personnage principal, cet imposteur, totalement antipathique. En effet, en nous décrivant peu à peu le mécanisme et la dissociation totale d’Adèle, ainsi que son passé tortueux qui l’a privé de toute identité propre, on comprend un peu mieux ce qui peut pousser quelqu’un à réinventer son histoire. Ici, il n’est pas question de s’approprier la souffrance d’autres dans le but d’escroquer, mais bien plus d’une identité créée pour exister quand on n’a jamais su qui on pouvait bien être. J’ai vraiment adoré le traitement réalisé par l’auteure et les différentes réflexions mises en avant. De plus, j’ai apprécié que cette histoire soit racontée par différentes personnes, au gré des rencontres d’Adèle.
Conclusion
Une fille sans histoire est un roman percutant sur un sujet délicat ici traité avec brio. Constance Rivière réussit la prouesse de rendre l’usurpatrice de souffrance, lors d’un terrible événement national, assez perdue et dissociée pour nous faire ressentir de l’empathie malgré tout. J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture si travaillée qu’elle en devient totalement réaliste.
[…] Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?
Elle voulait rentrer dormir, rejoindre ses mondes imaginaires dont elle contrôlait tous les personnages. Les mêler au réel, cela n’avait peut-être pas été une si bonne idée même si elle était enfin devenue quelqu’un.
[…] une fausse victime ne valait pas mieux qu’un terroriste, sacrifiant sa part d’humanité au besoin d’exister, prêt à tout écraser pour un quart d’heure de gloire, un tout petit quart d’heure de gloire, et quelle gloire que celle de tant souffrir, comment pouvait-on l’envier à qui que ce soit disaient-ils, et elle acquiesçait.